Emilie
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 |  Sujet: Interview de Pierre Martot.  Ven 16 Jan - 23:36 | |
| Pierre MARTOTOT
Léo Castelli.C’est dans sa cuisine que Pierre m’a donné rendez-vous.« La porte-fenêtre ouvre sur une terrasse donnant sur un jardin : quelques roses, mouillées par la pluie de juin, son balayées par le vent. Il y a sur un mur des photographies de mes enfants. J’aime cette pièce parce qu’elle donne sur un espace de verdure et que mes racines sont à la campagne. »Rémi Castillo : Évoquons les jeunes années du petit Pierre… en province donc ?Pierre MARTOT : Oui mes grands-parents étaient paysans en Normandie ; mon père a quitté la campagne pour devenir menuisier dans la ville la plus proche, Yvetot.Ressentez-vous toujours vos racines normandes ?Je les entretiens, je les sens, comme un paysan qui serait devenu acteur par erreur. Pourquoi « par erreur » ? En devenant acteur, j’ai peut-être gagné une capacité à mettre des mots sur ma vie, mais j’ai sans doute perdu une certaine humilité et une simplicité que je retrouve toujours chez les gens de la campagne : parce que là- bas, la nature et le climat font la vie de tous les jours et on ne peut pas faire le malin avec ça. J’écris beaucoup sur ma famille. Je suis profondément attaché à ce monde dont je parle : les gens qui travaillent la terre, les artisans, les ouvriers tout ce monde en train de disparaître au profit d’un autre exclusivement dominé par la technique. (NDA : Pierre est très ému, il s’interrompt quelques instants.) Je trouve le monde actuel dur ; j’ai grandi durant les Trente Glorieuses, mon père travaillait comme un dingue, ma mère avait crée une école, et il me semble que ce monde du travail rendait plus optimiste qu’on ne l’est aujourd’hui. L’importance qu’a pris l’argent de nos jours m’effraie, m’exaspère, et me révolte.«Comédien par inadvertance » ; dans ce cas, quel genre de carrière envisagiez-vous ? Footballeur professionnel, comme tous les garçons un peu sérieux de mon âge. (Rires)L’envie de devenir comédien est apparue dans quelles circonstances ?Après le bac, j’ai commencé des études d’économie. Mais, à l’âge de vingt ans, j’ai perdu ma petite amie d’une maladie… Ça à complètement bouleversé mon rapport à l’existence : j’ai eu le sentiment que tout ce que j’avais vécu jusque-là était faux… que la vie était un grand cirque… et j’ai commencé des études de psychologie, car je voulais comprendre. Devenir acteur, après avoir terminé ces études et exercé comme psychologue pendant un an, c’était encore chercher à comprendre : qu’est-ce qu’un être humain, qu’est ce qu’on fout là, à quoi je sers… ? Pour moi, il était hors de question de mener la vie que je voyais mener autour de moi ; obéir à des horaires, à des chefs...Comment êtes-vous arrivé à Plus belle la vie ?J’ai commencé par le théâtre : les grands textes- Brecht, Tchekhov, Beckett-, la meilleure école de toute ma vie… Mais j’avais envie d’être connu, de toucher un public plus large. C’était de la vanité ! Alors j’ai fait du cinéma et de la télévision. C’est comme ça que j’ai été engagé dans PJ ; presque dix ans plus tard, Michelle Podroznik s’est souvenue de moi et m’a proposé le rôle de Léo dans la série.Vous êtes-vous dit : « Ce rôle est pour moi » ? Oui. Léo est un personnage assez secret mais très vivant, en fait, comme le révèle sa rencontre avec Agathe. Et c’est aussi un guerrier. Il est sincère avec les gens et épris de justice. Je l’ai tout de suite aimé.
Plus belle la vie est arrivée dans votre vie comme un miracle ?
Ça a été un coup de bol. La notoriété, pour un acteur c’est vraiment un coup de bol…Mais j’ai aussi beaucoup travaillé…Léo a aussi perdu sa compagne. Au fil des interviews, je me rends compte que Plus belle la vie a rattrapé beaucoup de comédiens sur le terrain de leur propre vie…En effet, plusieurs d’entre nous ont vécu des expériences assez proches de celle que vivent nos personnages. Il y a des coïncidences troublantes…Je crois qu’on dégage dans notre façon d’être, peut-être dans notre façon de bouger, ou dans notre regard, dans notre voix, des choses qui témoignent de ce que nous avons vécu ; cela inspire les gens censés écrire des histoires pour le feuilleton, sans même qu’il s’en rendent compte.Que se passe-t-il quand vous devez jouer une scène qui ressemble à une situation vécue ? Comment le gérez-vous ?On joue mieux des situations qu’on a vécues, c’est sûr. Parce que c’est plus concret. On peut évidemment essayer de se souvenir et de se servir de notre expérience… mais il faut aussi se méfier des sentiments qui refont surface, surtout dans les scènes très fortes, des émotions surgissent au moment où l’on joue et qui n’ont rien à voir avec la scène écrite, mais avec la scène vécue… Il faut être vigilant et ne jouer que ce qui est écrit. Si on prend l’art de jouer une thérapie, on risque de se faire très mal, et c’est aussi un peu malhonnête vis-à-vis du public.Les gens qui vous appellent Léo dans la rue, c’est facile à vivre ? Non, parce que c’est très difficile de donner aux gens autant qu’ils nous demandent. J’ai du respect pour eux mais je suis aussi très attaché à ma liberté.Cette notoriété envahissante pourrait-elle vous pousser à quitter Plus belle la vie ? Ah non (rires).Aujourd’hui grâce à la série, vous sentez-vous utile ?D’une certaine façon, oui. Parce que je sais qu’il des gens qui sont seuls et pour qui le rendez-vous avec Plus belle la vie est l’unique de la journée.Comment aimeriez-vous voir évoluer le personnage de Léo ?Peut-être que Léo, qui est souvent mêlé à des affaires criminelles, pourrait par moments être confronté à une délinquance plus ordinaire, pour être davantage au cœur de la vie des gens, de cette détresse qui est le quotidien de la vie de flic.Comment réagissent les policiers lorsqu’ils vous reconnaissent ?Je parle souvent avec les policiers que je rencontre. Je leur pose des questions sur leur travail et je me documente beaucoup. Je tiens à être crédible, même si je sais que Léo est d’abord une créature de la télévision. Je ne me considère pas comme un artiste, mais comme un ouvrier qui a la chance de pouvoir se réaliser à travers son travail. Il y a quelques jours, je parlais avec l’un d’entre eux qui m’expliquait la difficulté de son métier. Il a fini par me dire ; « Enfin, ce n’est pas à vous que je vais apprendre ça… », comme s’il me considérait véritablement comme un collègue ! Évidemment, ça m’a flatté et je me suis dit : « Avec tout le mal que je me donne ça marche… » Ca m’a amusé, aussi… Parce que je n’oublie pas que je suis acteur, c’est-à-dire quelqu’un qui joue et qui, grâce ç cela, s’échappe de la réalité ; alors qu’être flic, c’est être confronté à la réalité, et souvent dans ce qu’elle a de plus ardu. Interview réalisé par Rémi Castillo.      | |
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