voici un article qui date de plus d'un an ou Pierre explique comme il tourne une scène
bonne lecture
Le travail d’acteur
Par
Pierre Martot
Dans Les jours qui précèdent le jour de tournage je prends des notes autour de la scène à jouer. Je la relis de nombreuses fois et j’imagine, je rêve autour d’elle…
En premier, je me demande quel genre de relation mon personnage – ici Léo – entretient avec la personne à qui il a à faire dans la scène : cette personne est-elle pour lui un ami, un ennemi, un inconnu… quel genre de sentiment éprouve-t-il à son égard : il, la déteste-t-il, lui est-elle indifférente… que se jouet-il entre lui et cette personne… en a-t-il peur, se sent-il en confiance… que-ce qu’il cherche à travers ces paroles qu’il prononce,que-ce qu’il veut, qu’est-il prêt à donner lui-même… dans les moment où il se tait et écoute, à quoi pense-il ? etc.…etc.. ; De nombreuses questions toutes simples, presque enfantines, et avec les réponses toutes simples que j’y apporte, je construis peu à peu mon parcours dans la scène.
Il ne s’agit pas seulement d’apprendre les répliques. Au cours de la préparation de la scène, il faut aussi essayer de deviner la pensée intime de Léo. Car c’est cette pensée intime qui ‘amène à prononcer telles paroles plutôt que telles autres… Dans l’idéal, à l’instant du tournage je devrais être capable non seulement de dire tout ce que Léo doit dire au cours de la scène telle que les scénaristes l’ont écrite, mais j’arriverais à penser tout ce qu’il pense…
Dans son livre intitulé « A l’ombre de moi-m^me » Catherine Deneuve rapporte ce que lui a dit un réalisateur avec lequel elle travaillait – le réalisateur en question s’appelle Philippe garrel pour le film « le vent de la nuit » : « ne pensez pas à jouer, soyez dans la pensée du personnage, soyez simple, la pensée suffits i vous pensez vous êtes juste ». Dans ces phrases je reconnais absolument la façon dont j’envisage mon travail…
je me reconnais aussi dans ce que Léo dit à Roland dans l’épisode 89 : « mon boulot, c’est de découvrir la vérité, Roland, et quoique il arrive, je la découvrirai»… Ainsi, il y a au moins une chose en comme entre le métier de » flic tel que le conçoit Léo et mon travail d’acteur que je le conçois : la recherche de la vérité. La passion de la vérité. Avec les mêmes risques : celui de se tromper, bien sûr, d’être mauvais… J’aime ainsi espérer ce qui en moi ressemble au personnage et ce qui fait que j’en diffère absolument…
La différence qu’il y a entre le personnage et moi, entre Léo et moi, c’est là que se trouve le travail que je dois accomplir, le chemin que je dois parcourir pour lui ressembler. Je cherche à savoir ce que veut Léo dans la scène, à savoir ce qu’il cherche. Afin que le public puisse croire que je suis Léo. Avec une différence de taille : c’est que, pour nous acteurs, t out ça n’est qu’un jeu. Personne n’ira en prison à cause de nous, par exemple…
la préparation se fait réplique après réplique, silence par silence. J’essaie de deviner ce que Léo pense à l’instant où il va parler, à l’instant où il parle, l’instant où il écoute. Dans l’idéal, j’ai tellement réfléchi à la scène avant de la jouer, j’y pense tellement à n’importe quel moment de la journée : en faisant mes couses, en me promenant dans Marseille, au détour d’une conversation, au moment de jouer, je n’éprouve que du plaisir (malgré le trac – ce qui est aussi un plaisir – et qui témoigne que je suis absolument engagé dans mon travail ; si le trac n’est pas au rendez-vous, c’est plutôt mauvais signe car, au moment de tourner, il donne une part importante de l’énergie nécessaire au jeu) Au moment de jouer, j’ai tellement travaillé que je n’éprouve plus le besoin de penser à mon texte, à la mémoire de mon texte. Je sais qu’il est là, qu’il viendra tout seul.
Si je prépare tellement mes scènes c’est pour, à l’instant où je joue, ne plus avoir du tout à réfléchir à ce que je dois faire, à ce que je dois dire : pour n’avoir qu’à écouter mon partenaire, à lui parler, lui répondre, n’avoir qu’à jouer avec lui, dans le meilleur des cas, inventer un monde, exactement comme le font les enfants quand ils jouent. En étant acteur, j’ai ce privilège incroyable à force de travail, de redevenir sans cesse un enfant !